Se souvenir ne dispense pas d'agir
Editorial paru dans le 24 Heures du 12-07-05

«Srebrenica: La communauté internationale célèbre le dixième anniversaire de la chute tragique de l'enclave musulmane»

Les correspondants occidentaux, tenus à l'écart des enclaves musulmanes assiégées par les forces serbes, n'ont évidemment pas été convoqués pour la chute et les massacres de Srebrenica, le 11 juillet 1995. Mais ils ont eu le triste privilège d'accueillir les survivants à Tuzla.

Le souvenir de ces moments me bouleverse encore aujourd'hui. Comment oublier les milliers de femmes et d'enfants rassemblés sur le terrain de l'aéroport après avoir été déportés sous les insultes et les jets de pierres? La longue plainte qui montait le soir de cet océan de détresse et d'angoisse dans l'attente des maris ou des pères au sort incertain? Le regard terrifié des hommes qui, finalement, ont rejoint leur famille au bout d'une fuite infernale et fatale à beaucoup?

Il est heureux que, dix ans après, la communauté internationale se souvienne et rende hommage aux victimes. «Nous les avons abandonnées», reconnaît le chef de la diplomatie européenne. Les rescapés de la «zone de sécurité» onusienne apprécieront cet aveu.

Javier Solana, à l'image des nombreux rapports d'enquête diluant les responsabilités, évoque prudemment «un échec collectif». Il faudrait au contraire que les protagonistes de cette tragédie assument leurs graves manquements et s'engagent à panser des blessures toujours vives. Les veuves et les orphelins sans ressources réclament toujours des réparations. Ils ne peuvent tourner la page tant que Belgrade et les forces internationales laissent courir les dirigeants du génocide.

La commémoration reste gratuite sans la volonté de réparer et d'agir face aux crises embarrassantes comme le fut celle de Srebrenica en 1995. Les affamés du Niger, les habitants de la Tchétchénie, du Darfour, et les réfugiés renvoyés par la Suisse à Srebrenica n'ont que faire de nos futurs mea-culpa.

VÉRONIQUE PASQUIER, journaliste